Que fait-on lorsque ça va mal ? Je veux dire, quand on est triste, désespéré, déçu, qu’on a le blues, une peine de cœur, quand on perd nos repères, qu’on n’a pas eu la promotion tant attendue au boulot ou tout simplement quand viennent les jours froids et sombres de l’hiver ? On se réfugie dans ce qui nous conforte, dans ce qui nous berce et nous rassure. C’est naturel, et pour bon nombre d’entre-nous, ce genre de choses rassurantes, ce sont les jeux vidéo, ceux de notre enfance en particuliers. Je pense qu’on sera assez d’accord pour dire que la Super Nintendo aura sut bien des fois nous protéger de son aura chaleureuse, pourvue de ses jeux colorés et plein de tendresse (bon, ok, sauf Mortal Kombat, Killer Instinct et Pit-Fighter, sont pas super tendres eux…) à une époque où le monde entier était bien plus insouciant, bohème et optimiste. Et c’est très exactement ce qui m’a poussé à ressortir un jeu de ma réserve à cartouches Super Nintendo. Et, attention, alerte spoiler, dès les premières minutes, j’ai retrouvé les mêmes sensations d’amusement et de frivolité d’époque. Une bonne plâtré de baume au cœur me fut administré par cet Exhaust Heat synonyme d’enfance innocente, aux moments de joie spontanés et précieux.
Mais n’allons pas si vite en besogne et prenons le temps de détailler un peu tout cela.
Cet Exhaust Heat n’aurait probablement pas put voir le jour – en tout cas pas dans la forme qu’on lui connaît – si un autre jeu de course emblématique de la Super Nintendo n’avait pas été là avant : F-Zero bien entendu. Second jeu avec Super Mario World pour le launch de la Super Famicom le 21 novembre 1990 au Japon, F-Zero était une vitrine technologique parfaite notamment pour son désormais bien connu mode 7, qui est censé simuler un effet de 3D par d’habiles manipulations de textures et de sprites (rotation, zoom…). Fournissant le vrai premier jeu de Formule Un de la Super Nintendo (qui en comptera une bonne dizaine, allant du mauvais au très sympathique), SETA n’en sont pas tout à fait à leur coup d’essai puisqu’ils avaient déjà édité Formula One: Built to Win sur Famicom en 1990. Ce dernier, plus proche visuellement d’un Out Run de SEGA – autre jeu de course qui dictera les conventions à la fin des années 1980 –, n’avait pas l’air mauvais (bien que je n’aie jamais eu la chance de m’y essayer). Ainsi, une fois n’est pas coutume, SETA s’inspire des meilleurs et suit la tendance pour faire son business. Est-ce un mal quand le produit final est malgré tout de qualité ? À vous de voir.
Le soucis d’Exhaust Heat, à vouloir reprendre la recette de F-Zero, est qu’il ne parvient pas à se montrer aussi clinquant que son modèle. Le gros désavantage du mode 7 étant que très peu de relief peut être appliqué à une carte ou un circuit de course. C’est possible via différents ajustements, quand on est doué, ou qu’on a le temps nécessaire pour le faire en plein milieux du développement, mais voilà, ça restera globalement assez plat et redondant. À cela, on peut trouver deux solutions. D’abord, réaliser des arrières plans panoramiques jolis, variés, aux couleurs chatoyantes (qui change selon la période du jour ou selon le climat, tant qu’à faire) et qui casse ainsi un peu la monotonie. F-Zero le faisait grâce à son identité visuelle futuriste pleine de personnalité. Hélas, Exhaust Heat prend le parti de garder les pneus sur Terre et de nous proposer de concourir dans un championnat de Formule Un, comme dit plus haut. Pas de miracle possible, les seuls décors seront des tribunes lointaines, avec quelques affiches de sponsor plus ou moins reconnaissables, et de vastes parterres d’herbe encadrant de sinueuses pistes de bitume gris. Heureusement pour Exhaust Heat, il a y une seconde solution, probablement un peu moins efficace de prime abord mais qui a son importance en profondeur : le tracé des circuits. Si les circuits sont bien tracés et offrent du challenge avec des virages et des courbes techniques, qui anime la course, il se peut qu’on ne fasse pas trop attention à l’austérité de l’entourage. Et c’est ce qui se passe pour Exhaust Heat, ouf !
Le jeu ne dispose malheureusement pas de la licence officielle de la Fédération Internationale de l’Automobile mais a au moins un ensemble de 16 circuits adaptés des véritables pistes d’époque. De ce fait, si le premier circuit qui est celui du Grand Prix d’Italie est très aisé à appréhender, offrant une mise en condition toute en douceur pour le néophyte, la suite devient plus technique. Les circuits se complexifient et multiplient les courbes. Cependant, la prise en main est si immédiate et le feeling tellement orienté arcade que la difficulté est toute relative. Les concurrents, tous arborant des pseudonymes proches de leur homologues réels vous causeront des désagréments relatifs et à des degrés variables. Le plus performants restant en général un certain A. Seth, alias Ayrton Senna qui d’ailleurs n’apparaît officiellement dans aucun jeu de F1 Super Nintendo de l’époque puisqu’en contrat d’exclusivité avec SEGA pour leur jeu Super Monaco GP II.
Ainsi, la difficulté mettra bien plus à l’épreuve vos réflexes que votre capacité à calculer précisément votre trajectoire ou à équilibrer les performances de votre bolide. Car oui, il y a également une partie bidouillage où huit éléments importants de votre F1 peuvent être customisés via l’argent remporté à chaque fin de course : châssis, freins, suspensions, boîte de vitesses, diffuseur, ailerons, pneus et moteur. On est tenté de dire que le moteur le plus cher, et donc le plus puissant est un élément indispensable pour parvenir sur le podium systématiquement mais non. Un moteur trop puissant et vous faisant atteindre les 300 kilomètres/heure sera handicapant sur un circuit qui enchaîne les virages très serrés. Préférez alors un système de boîte de vitesses à 5 rapports qui permet de gagner en accélération (mais pas en vitesse de pointe) et de bons freins, pour alterner facilement entre gros braquage dans un virage délicat et réaccélération foudroyante. Bah oui, c’est arcade, mais c’est un peu tactique aussi ! Globalement, il n’est pas obligatoire de dépenser des sommes folles entre chaque course pour perfectionner son véhicule, le système arcade du jeu permet de faire parler le skill du joueur indépendamment de tout cela, et c’est cool !
La caméra se situe sensiblement plus haut par rapport à la plupart des autres jeux du genre sur SNES (Street Racer, F1 Pole Position, Aguri Suzuki F-1 Super Driving…) ce qui facilite l’appréhension des virages qu’on voit arriver de façon plus lisible. Les indications fléchées apparaissant à l’écran sont parfois traîtresses et il vaut mieux se forcer d’adopter le bon timing, avec un peu de flair, plutôt que de tourner subitement à la seconde où une flèche vous indiquer de braquer. La position de la caméra a un autre effet bénéfique : elle améliore la sensation de vitesse. Cela fait d’Exhaust Heat un jeu brûlant, d’une fluidité très satisfaisante et dont le degré de fun est à portée de bouton. Immédiat, son accessibilité est à louer. Il suffit de quelques minutes pour se faire un ou deux circuits et s’amuser, parfait pour des sessions courtes de jeu (j’y jouais beaucoup, fut un temps, entre midi et treize heures, lorsque je revenais de l’école pour manger chez moi. La cantine, c’était trop dégueu…). Mais si vous avez le temps et que vous voulez une longue séance de jeu, le soft de SETA répond également présent avec, comme précédemment expliqué, pas moins de seize courses qui respectent une courbe de progression très bien équilibrée !
Symptomatique d’un jeu type arcade des années 1990 où tout (ou presque) était destiné à servir le divertissement, la présence de nitro est également particulièrement user-friendly. Car il arrive qu’on grignote sur un carré de gazon sur le bas-côté de la piste ou qu’on perde de précieuses secondes à s’embourber dans du sable. Parfois même, on se fait percuter violemment par un rival, on valdingue en tête à queue tandis que lui continue son petit bonhomme de chemin comme si de rien n’était. Cela aurait été rageant dans un autre jeu, mais de base, Exhaust Heat est peu punitif. Et il suffit d’un petit coup de nitro, aussi irréaliste en F1 que ce soit, pour passer aisément de la 8ème à la 4ème ou 3ème position ! Gardez à l’esprit que presque aucune erreur de pilotage n’est décisive, vous pouvez largement rattraper le coup. Cela étant dit, il faut tout de même surveiller une jauge de dégâts qui augmente de façon – là encore – à ce que le jeu ne devienne pas une torture de simulation ultra réaliste. Un petit passage au stand dans le pire des cas et c’est reparti !
Le jeu est à ce point cool avec le joueur que le CPU, fait rare pour l’époque, ne semble pas tricher. En effet, la position des concurrents est indiquée en direct sur le circuit via une minimap d’usage, comme dans tout bon jeu de course. Dans d’autres jeu de course, il n’était pas rare de voir des adversaires qu’on pensait loin en arrière, mystérieusement se téléporter juste derrière nos fesses pour nous infliger un pressing d’enfer. Quand ce n’était pas carrément un bolide adverse qui venait nous griller la place comme une torpille alors que trois secondes avant il venait de se bouffer un mur en pleine poire. À noter également qu’on peut masquer l’interface via select afin de profiter au mieux d’un cadre de vision élargi. Entre autres petite intention sympathique, une pile de sauvegarde inclue dans la cartouche permet de progresser dans les 16 grands prix à notre rythme.
Exhaust Heat fait tout pour ne pas paraître trop austère et aride en termes d’enrobage graphique. On a déjà évoqué au début que ses circuits sont gris et que son mode 7 le rend un peu redondant, même si ça contribue à sa grande lisibilité. On peut également ajouter qu’on aurait apprécié des sprites de voiture un peu plus détaillés. Mais en dehors de cela, les quelques touches de sons chiptune, même s’ils ne restent pas fortement en mémoire, donne une ambiance énergique et joviale au jeu. Les différents écrans qui parsèment les menus et les intercourses sont également plaisants, avec des pilotes victorieux sur un podium où une Julia Roberts toute pixelisée en guise de directrice d’écurie.
Si le côté graphique sera amélioré dans sa suite, sortie un an plus tard, tout en gardant fun et fluidité, reste que cet Exhaust Heat premier du nom procure un plaisir simple et sans fioriture digne d’un bon jeu vidéo 16-bits. Sa maniabilité reste certainement son plus éclatant atout. On ne peut cependant pas y jouer à deux, ce qui au fond n’est pas absolument rédhibitoire. Petite madeleine de Proust, j’avais peur qu’il ne reste bon que dans mes tendres souvenirs déformés par une insidieuse nostalgie du bon vieux temps. Mais il n’en est rien, Exhaust Heat est un vrai bon produit typique de la Super Nintendo qui propose tout ce qu’il faut pour contenter tous les profils de joueurs, et ceci en quantité suffisante à chaque fois. Chapeau !
Pas de grand discours pour vous dire que ce fut une belle aventure, que durant toutes ces années j'ai grandi et appris de moi-même ou des autres, et que toute bonne chose ont une fin, bla bla bla. Tout simplement parce que je doute que ce soit un arrêt définitif. Ben oué, c'est de ça qu'on parle, Retro Gamekyo s'arrête pour moi (Anakaris), pour le moment. Mais hey, Docteurdeggman reste dans le game, vous inquiétez pas (même si je sais pas exactement ce qu'il a prévu pour l'avenir).
Me concernant, je prend une pause à durée indéterminée principalement pour me concentrer sur d'autre genre de projet. Je sais que je vous ai promis des tests sur des jeux de mecha, vous sembliez intéressés, alors ils arriveront. Je ne sais pas exactement quand, le plus vite possible j'espère. Mais après cela, vous ne verrez probablement plus aucun retro test sur Retro Gamekyo avant un moment.
Voilà, voilà, pas besoin d'épiloguer. Si vous avez néanmoins des questions, je reste présent sur Gamekyo en général.
On a pas encore beaucoup abordé le thème des mecha et robots géants (de combat, cela va sans dire) sur Retro Gamekyo, quand on y pense. Pourtant, il y a de quoi faire. Alors la question est simple, est-ce que vous aimez les gros robots qui font boum boum scccrrshh dadadada brrfff sbammkrusssh etc ? Des mecha qui se foutent sur la gueule à coup de sabre-laser, de lance-roquette ou encore de fusil à pompe de l'espace quoi !
Quels jeux de mecha vous souhaiteriez qu'on aborde dans de futurs articles sur Retro Gamekyo ?
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En attendant, voici une petite sélection de jeu avec des mecha déjà testés sur Retro Gamekyo, suffit de cliquer sur le nom du jeu pour accéder à l'article correspondant :
Dino Crisis 2 rencontrera à son tour un joli succès tant critique que commercial. Un peu moindre que pour le premier, mais largement suffisant pour rentabiliser le développement qui fut bien moins coûteux en raison d’une utilisation de technologie mieux maîtrisée par Capcom (la 3D précalculée) et d’un processus créatif qui n’a pris aucun retard. Alors pourquoi arrêter une si bonne expérience en chemin ? Dino Crisis 3 est rapidement mis en chantier, à la moitié de l’année 2000. Tout d’abord, c’est naturellement la Playstation 2 qui est envisagée pour accueillir le prochain hit de l’équipe de Hiroyuki Kobayashi. Shinji Mikami ne fait que superviser d’assez loin le développement, lui est plus occupé à travailler sur un certain remake de Resident Evil à destination de la Gamecube de Nintendo. L’homme sera même le garant d’un deal surprenant, ambitieux et inédit entre Big N et Capcom, bien que tout ne se passera pas comme prévu. Quant à Shu Takumi comme nous le savions, il a abandonné les dinosaures pour les avocats et les enquêtes policières avec Ace Attorney.
Puisqu’il n’y a plus personne pour s’occuper de Dino Crisis, Kobayashi nomme Hiroyuki Maruhama à la tête du troisième volet de la saga aux dinos. Ce dernier, débauché de SEGA dispose déjà d’une belle expérience dans le domaine du survival-horror puisqu’au sein l’équipe AM7, il fut directeur de Deep Fear sur Saturn en 1998. Ce dernier, empruntant déjà à l’époque autant aux jeux d’action qu’aux Resident Evil traditionnels, laissait entrevoir ce que pouvait donner la recette généreusement farcie de testostérone ; avec toutefois un peu plus de retenu que ce que donnera le survitaminé Dino Crisis 2. Mais comme il est de coutume au sein de chez Capcom à cette époque, vous vous doutez bien que rien ne se déroulera selon les plans et quelques couacs viendront gripper la mécanique.
Tout d’abord, les avancées techniques de Capcom sont assez prodigieuses en ce début de nouveau millénaire. Les premiers screenshot du remake de Resident Evil dévoilé dans la presse par exemple font montre d’une modélisation 3D des personnages d’une finesse ahurissante et d’un jeu de lumière dynamique prêtant un réalisme effroyable d’horreur à des décors détaillés. Sur Dino Crisis 3, un soin tout aussi exigeant est apporté à la modélisation et il est décidé d’en faire un jeu d’action dans la lignée directe du second volet. Un framerate sans faille est alors requis. La caméra doit être dynamique, et une full 3D est souhaitable, bref, Capcom veut frapper fort et le hardware Playstation 2 qui gère très bien la 3D précalculée comme le montrera Onimusha sorti très tôt dessus, fait la grimace avec un jeu plus gourmand en ressource. En vérité, le projet est très vite accaparé par un Microsoft affamé qui a du flair et désire se doter de plusieurs jeux intéressants. Et puis faut dire que leur Xbox est un monstre aux possibilités techniques incroyables. D’autant que Sony joue les têtes de nœud avec la patience de Mikami, comme à leur habitude lorsqu’ils sont archi leader du marché, si bien que le patron de la division 4 de production de Capcom n’hésitera pas bien longtemps avant de faire valser dans le décor le monolithe noir pour aller lorgner ailleurs. N’ayant pas beaucoup plus de contacts amicaux avec Microsoft, Mikami laissera finalement Kobayashi décider de l’avenir de Dino Crisis 3. Le jeu deviendra une exclusivité Xbox et ceci de façon officielle à l’automne 2002, après une présentation à l’E3 de la même année sur le stand de la société de Redmont.
Remontons un peu plus loin dans le passé. Au premier trimestre de l’année 2001, le développement est déjà bien lancé, la décision de rendre le jeu exclusif à la Xbox n’est pas encore tout à fait actée mais à vrai dire, ce n’est pas le débat qui anime Kobayashi et ses collaborateurs à ce moment-là. Le 16 mai 2001, Yoshiki Okamoto présente trois projets de jeu à la conférence de Microsoft, dont un qui ne tient qu’en un petit artwork conceptuel présentant des dinosaures dans un milieux urbain en ruine. Quatre mois plus tard, un drame historique survient et le monde est en effroi. Ce n’est plus du jeu vidéo cette fois-ci, mais la triste réalité, les deux tours du World Trade Center n’existent plus et quelques 3000 victimes sont à déplorer. Il n’est dès lors plus question de produire le moindre jeu d’horreur dans une ville américaine en proie aux flammes et à la destruction. Machine arrière toute, Kobayashi rase presque l’intégralité de ce qui a déjà été fait et demande un coup de main à Okamoto, COO de Capcom et surtout directeur général de Flagship, une branche subsidiaire co-fondée avec un fond d’investissement de Capcom, Nintendo et SEGA et spécialisé dans l’élaboration de scénario. Un remaniement complet de l’ambiance, des thèmes et du fond de Dino Crisis 3 est donc commandé à ces mercenaires du script.
Noboru Sugimura, un homme expérimenté passé par la Toei et ayant déjà œuvré à l’écriture du script de Dino Crisis 2 revient avec cette fois-ci une équipe complète composée de Hiromichi Nakamoto, Shin Yoshida et Hiroaki Kanazawa qu’on retrouvera à divers endroits (Resident Evil 0, Onimusha 3…). Capcom a tellement peur que le moindre détail de son Dino Crisis 3 soit rattaché au drame que la planète vit à ce moment-là qu’ils réclament que le scénario du jeu prenne de gros risques et soit réellement différent de ce que la série a déjà installé par le passé. Le projet prend donc du retard, le temps de tout rebâtir, mais cela n’est pas vu comme un réel problème par Capcom. Au contraire, tout le monde profite de ce temps d’arrêt pour redéfinir les ambitions du projet et Shinji Higuchi, en collaboration étroite avec Flagship pour l’élaboration des storyboards, suggère à Okamoto et Kobayashi d’engager le cinéaste Makoto Kamiya pour diriger les cutscene de Dino Crisis 3. Makoto Kamiya qui réalisera plus tard des choses comme les films en images de synthèse Resident Evil Degeneration, Resident Evil Damnation, et les scènes cinématiques de Nioh. Rien que cela.
Dino Crisis 3 s’inspire encore plus du cinéma au sens large du terme que ne l’aurait été capable Resident Evil, surtout quand les formidables capacités techniques de la Xbox permettent des séquences animées aussi bien fichues. C’est une évolution logique qui tend à coupler jeu vidéo et cinéma que n’aurait pas renier Shinji Mikami en personne. Pour autant et même après avoir embauché tout ce beau monde, rien ne fut facile. Makoto Kamiya aura du mal à diriger la captation des scènes cinématiques pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la collaboration entre les auteurs du script de chez Flagship et celui responsable du storyboard fut laborieuse. Okamoto expliquera que cette partie du travail sera entamée entre mars et mai 2002. Le storyboard est malheureusement incomplet. Il est de coutume avec ce genre de document de travail que les croquis s’accompagnent de nombreux commentaires afin de préciser les pensées et idées de son concepteur, mais ceci n’est pas très clair. Et si les plans de caméra et les angles de vue sont assez bien définis, Makoto Kamiya reproche à Shinji Higuchi de ne pas être suffisamment précis sur la construction des décors, sur l’emplacement de tel ou tel éléments décoratifs, compliquant ainsi son travail de visualisation de l’espace. Tout cela trouve son explication dans deux choses distinctes.
Premièrement, Shinji Higuchi était un grand fan d’œuvre de mecha, anime comme film. Aussi, il voulait s’en servir lorsqu’il contribuera à l’élaboration des environnements du jeu. Ainsi, il inclut l’idée que le vaisseau spatial géant dans lequel prend place l’action du jeu soit capable de se transformer. Tel un Variable Fighters gigantesque de Macross, le Ozymandias devait en effet être capable de se moduler et de prendre différente forme, modifiant en conséquence l’imbrication de ses salles et couloirs internes. Cependant, Higuchi avait vu trop gros et dans le même temps - seconde raison de ces difficultés - : il réalisait le film Mini-Moni the Movie: Okashi na Daibōken!, mettant en scène les idols du groupe Morning Musume et Coconuts Musume. On ne peut pas être à la ferme et au moulin, comme on dit. En s’inspirant du film de 1984 Sayonara Jupiter qui utilisait les même idées, Higuchi mit en difficulté la création des scènes du jeu. L’aspect très réaliste et mécanisé du vaisseau sera bien rendu mais Okamoto et Kobayashi, pour sauver la conception de Dino Crisis 3 qui commençait à frôler le naufrage devront imposer des coupes dans l’ambition du projet. Une bonne partie du décor sera abandonné pour tenir les délais, affectant ainsi aussi bien la durée de vie que l’étendue de l’environnement proposée au joueur.
Mais ce n’est pas tout et Kobayashi dut taper du poing sur la table pour recadrer ses équipes. Notamment lorsqu’il dut statuer sur la question de la sexualisation à outrance du personnage de Sonya Hart, dont les seins devaient généreusement ‘’rebondir’’ à chaque scènes cinématiques ; où les plans de caméra étrangement placée sous la jupe d’une autre fille du jeu, à savoir Caren Velasquez. Développement tumultueux et brouillon, vous avez dit … ?
Plus que jamais, le jeu vidéo doit une fière chandelle à des films comme Alien puisque le speech de départ de Dino Crisis 3, éloquent, tient comme suit : en l’an 2548, le vaisseau Ozymandias est en pleine dérive dans l’espace. Un groupe d’intervention est envoyé sur place pour reprendre le contrôle du navire mais là-bas, le joueur incarnant un certain Patrick (oué, non mais vraiment, ils ont un problème dans Dino Crisis avec les prénoms ringards hein, Regina, Dylan, Patrick, et bientôt quoi ? Régis ? ) tombe sur une meute de dinosaures mutants au squelette décharné mais à la faim toute aussi insatiable que leurs ancêtres terrestres. À la suite d’un accident isolant l’équipe dans ce vaisseau géant et dangereux, ils se mettent à la recherche de survivant et de réponse à cette énigme.
Première chose à reprocher à ce Dino Crisis 3 en qui il est facile de trouver un bouc-émissaire face à la chute inexorable de la série tout entière : bordel de merde, mais qu’est-ce que tout cela vient foutre ici ? Lorsqu’on se souvient de ce qu’on apprend à la toute fin du second opus, on peut éventuellement faire le rapprochement. Est-ce que l’Ozymandias ne serait pas le fameux projet "Arche de Noé" conçu pour sauver et/ou isoler des espèces d’animaux du Crétacé ? Pourquoi pas, cela fait sens, mais pas moins d’un demi-millénaire sépare Dino Crisis 3 du 2, et si je veux bien comprendre la nécessité d’éloigner l’intrigue d’une grande ville américaine contemporaine en ruine eu égard aux évènements qui secouaient notre monde lors de la production du jeu, cela ne justifie pas qu’une telle ellipse pleine de vide plonge le joueur dans l’aveuglement le plus complet. Il aurait été bien plus agréable de savoir ce qui s’est passé un minimum durant ces 500 longues années avant qu’on ne soit largué dans le vaisseau-fantôme. Si le scénario des deux premiers Dino Crisis étaient aussi épais qu’une feuille de papier-calque, ils avaient au moins le mérite d’être cohérent, d’installer un semblant d’univers et mieux encore, le second avait pour souhait d’ouvrir suffisamment de porte vers un avenir intéressant. Mais Dino Crisis 3 fait fi de tout cela. Qu’est-il arrivé à Regina, qu’en est-il de Dylan et de sa fille, de la brèche temporelle qui fut ouverte cinq cents années auparavant, du docteur Kirk et de tout le reste ? Si seulement Dino Crisis 3 avait proposé des idées neuves et un contenu digne d’intérêt, on aurait pu lui pardonner cette volonté impérieuse de se séparer, parfois violemment, de ses aînés, mais ce n’est pas le cas. En lieux et place, il ne nous sert que du réchauffé sans grande valeur, des évènements qu’on voit venir à des kilomètres, gorgés de cliché et menés par une brochette de protagonistes en toc. Disons-le sans sourciller, si Dylan n’avait pas la chance de nous faire aussi bien tomber sous le charme qu’un certain Leon S. Kennedy, Regina au moins avait cette petite étincelle en elle qui la rendait presque aussi charismatique que Jill Valentine. En revanche, Patrick, cette huître sèche, et la paire de loche sur patte qui lui sert de faire-valoir féminin sont aussi attachants qu’un couple de putois.
Le manque de prise de risque du scénario et la très pauvre profondeur de caractère des personnages n’a d’égal que leur design de top model. On croirait voir de véritables poupées de cire au look si lustré qu’on pourrait presque se refléter dans leur grain de peau fâcheusement artificiel. Cela s’accorde avec le reste de l’aspect graphique horriblement aseptisé du jeu. Adieu la jungle menaçante et luxuriante de Dino Crisis 2 ; ciao le bâtiment futuriste, effrayant de froideur et étrange de complexité du premier opus. À la place, on y gagne un vaisseau lui aussi froid, mais dans le mauvais sens du terme, tristement vide et soporifique et surtout d’allure bien trop propre et brillante pour évoquer en nous un quelconque sentiment de peur. Le morbide laisse sa place au high-tech, les reflets lumineux sont légions, ça sent le produit d’entretien dans chaque polygone des décors et on peine véritablement à croire qu’il s’agit d’un vaisseau en perdition dans l’espace depuis des années, hanté par des créatures sanguinolentes et en pleine mutation. Il y a une très nette discordance entre ce que veut raconter Dino Crisis 3 et comment il le fait. La direction artistique est quasi intégralement hors sujet.
Dommage car la puissance de la Xbox est manifestement au rendez-vous, la preuve en est que la scène d’introduction est magnifique. Globalement, et d’un point de vue purement technique, le jeu tiens la route. Modélisation 3D de bonne facture, animation fluide et rapide, jolis effets de lumière et de motion blur par endroit… hormis quelques rares bugs de collision, rien de fâcheux n’est à regretter. Mais mettre à profit un hardware aussi performant pour nous montrer des couloirs gris et luisants et les cales d’un vaisseau spatial désespérément vide, ça fait tâche. Le premier Dino Crisis pouvait aussi être la cible de ce genre d’invective. Mais il parvenait à varier ses visuels par des changement de teintes, des jeux de lumière qui posaient une ambiance pesante et surtout par des placements de caméra qui filaient les chocottes à n’importe quel joueur. En jouant avec l’invisible et les bruitages hors champ, Dino Crisis se servait de ses environnements ternes et froids comme d’une force, chose que Dino Crisis 3 ne parvient pas à faire notamment à cause d’une caméra exécrable.
À l’instar de Dino Crisis 2, ce troisième volet s’oriente vers une recette résolument action. Désormais, le jeu n’essaye même plus de faire semblant, c’est un grand défouloir où on atomise en petit morceaux de viandes mutantes et putrides des sauriens par centaine. La terreur laisse définitivement place à l’excitation d’une violence exacerbée et à la frénésie de fusillade endiablée. C’est une autre sorte de pression psychologique qui agit sur le joueur, en quelque sorte, mais force est de constater que cela ne nous plonge pas du tout dans un état d’esprit similaire aux deux premiers volets. Si les jeux d’horreur sont souvent les représentants d’un étrange plaisir coupable où on reconnaît bien volontiers "aimer avoir peur", Dino Crisis 3 préfère suivre la tendance du cinéma et du jeu vidéo dans sa globalité pour proposer une action débridée. Manque de bol, l’intention n’est pas forcément en cause, mais c’est mal fait.
En effet, comme dit plus haut, les caméras sont insupportables. L’essentiel des environnements étant constitué de grandes arènes et de coursives, les dinosaures se pointent souvent en bande. Pour faire plus futuriste et répondre aux exigences du background, on a doté Patrick d’un jetpack, bonne idée si on pense qu’il peut donner du dynamisme à l’action et nous faire explorer les recoins secrets de l’Ozymandias. Mais dans la pratique, le jetpack propulse si violemment notre personnage en l’air que son mouvement est trop rapide et trop brusque pour que la caméra ne parvienne à suivre, accusant systématiquement un retard qui peut s’avérer préjudiciable. Et il y a pire. Les développeurs ont opté pour un système d’angle de vue hybride entre les caméras fixes de Dino Crisis 1 et 2 et des prises de vue mouvantes semi-libres. Concrètement, ça donne une caméra qui gigote autour du héros dès lors qu’il bouge, mais pas de façon totalement libre, plutôt comme si elle était sur un rail qui décrit des cercles autour du point d’intérêt qu’est Patrick. Et quand on décide de faire bouger le héros en dehors de la zone accessible par la caméra, cette dernière change automatiquement d’angle pour montrer l’action différemment. Sur le papier, cela ne semble pas être une si mauvaise idée que cela. Mais quand on voit comment est propulsé Patrick avec son jetpack telle une fusée qu’aurait larguée Vil Coyote contre Bip Bip, et quand on voit quel foutoir peut vite devenir une fusillade contre une douzaine de dinosaures qui débarque des quatre points cardinaux autour de nous, on comprend que ce genre de caméra est synonyme d’énorme piège à loup. Avec nos couilles dedans.
Il n’est pas rare que la caméra décide de nous montrer un mur, le sol flamboyant et (trop) propre, ou encore le fessier moulé dans sa superbe combinaison en latex de ce cher Patrick tandis qu’on affronte une horde de lézards mutants. On tire à l’aveuglette la moitié du temps, vachement pratique. C’est réellement un point noir qui rend la jouabilité pénible et affligeante. La chorégraphie pitoyable des fusillades a de quoi faire sourire. On dirait que Patrick est un ballon de baudruche géant qui tournoie autour de créatures alanguies et à l’intelligence artificielle hébétée. L’instinct de survie aiguillonné par la nervosité de l’action et l’explosivité des joutes de Dino Crisis 2 avait cela de qualité qu’il parvenait à justifier son changement d’orientation de lui-même. Laisser place à l’action au détriment des énigmes était acceptable dans Dino Crisis 2 car les combats étaient fun et jouables, le jeu faisait fi intelligemment de ses limites techniques. Mais dans Dino Crisis 3, l’instinct de survie, insuffisamment mis à l’épreuve se transforme en sentiment d’ennui contre des ennemis mollassons et peu dangereux. La répétitivité est également à mettre en cause. En effet, le jeu, pour allonger sa durée de vie, réclame au joueur beaucoup d’allers-retours bêtes entre un point A et un point B. Le rythme en prend un sacré coup dans les ratiches et le sentiment de progression est presque nul pendant de longue phase de jeu. Il n’y a rien de pire pour un jeu que d’opter pour un gameplay radicalement différent de son illustre aîné et de le faire mal. On ne peut dès lors ressentir aucune pitié envers ses défauts.
Jeu d’action oblige, et comme dans le second opus de la série, on peut upgrader notre arsenal et notre protagoniste en fonction de nos prouesses au combat. Barre de vie plus grande, stock de munitions plus important ou soins supplémentaires, bref, le cheptel classique de ce genre de soft. Cela dit, on aurait préféré, plutôt que de transformer notre personnage en Rambo de l’espace, débloquer des environnements bonus, obtenir de nouveaux itinéraires ou gagner des gadgets pour débloquer certains chemins, un peu à l’instar du génial Metroid Prime sorti sept mois plus tôt. L’exploration est d’une pauvreté navrante, toutes les belles idées d’un vaisseau modulable et dont les décors seraient mouvants ont foutu le camp pendant le laborieux développement du titre. L’aventure en devient monotone.
À cela on peut ajouter divers petits couacs qui finissent de ternir le tableau. Une bande-son qui manque de caractère, des bruitages convenus (alors qu’encore une fois, c’était un des points forts du premier jeu qui se servait des sons hors du champ de vision du joueur pour installer une ambiance angoissante), un mode de vue à la première personne qui fait ramer le jeu (et avec lequel il n’est pas possible de se déplacer, autant dire que si on l’active en plein milieux d’un combat, on se donne en pâture au dino), des personnages inintéressants et aux interactions résumées à leur plus strict minimum et enfin un bestiaire aussi réduit que dans le premier opus. Si on peut reconnaître volontiers qu’il s’agissait d’un défaut du Dino Crisis originel, alors il est de bon ton de se l’avouer également pour le troisième opus de la franchise. Dommage car en soi, l’idée des dinosaures qui auraient mutés au contact de l’infinité inconnue de l’espace (virus, parasite extra-terrestre… ?) avait de quoi attiser notre curiosité et donner un second souffle à la menace du Crétacé. Mais se servir de cette bonne idée pour nous proposer quatre pauvres ennemis sur l’ensemble du jeu, c’est vraiment du gâchis. Un travail de bradype.
Dino Crisis 3 sera le moins bien vendu des jeux (principaux) de la franchise. Bien évidemment parce que le parc installé de console Xbox était dérisoire face à la Playstation 2, mais surtout parce qu’il est assez nettement le moins bon de tous. Dino Crisis 3 est plutôt beau, mais inconsistant, injouable, il n’a aucune ligne directrice claire et n’a pas la chance d’être guidée par quelques idées sympathiques pour pallier son manque de génie. En fait, si on peut se dire que Dino Crisis 2 est un virage à 90 degrés couillu mais qui a porté ses fruits, Dino Crisis 3 est une continuité logique mais qui paradoxalement ne fonctionne pas. Dino Crisis 3 est surtout la preuve que Capcom ne prenait plus, pour une raison ou pour une autre, la série au sérieux. Par ailleurs, son développement fut partiellement externalisé. En effet, les problèmes auxquels a dut faire face Kobayashi étaient si importants qu’une équipe de prestataire fut appelée en renfort. À cette époque, cette équipe n’était pas connue, aujourd’hui elle l’est, mais pour de bien tristes raisons.
Hit Maker - à ne surtout pas confondre avec feu Sega AM3 (aussi appelé Hitmaker), les petits génies du fun derrière Virtua Tennis et Crazy Taxi -, naquit en 1998. Au départ offrant leurs services pour quelques petits boulots de programmation, d’encodage vidéo ou de travail de design, Capcom finit par les engager pour l’élaboration d’une publicité filmée pour Dino Crisis 3 afin qu’elle soit diffusée dans divers salon de jeu vidéo comme l’E3. C’est entre 2002 et 2003 que Hit Maker décrochera son premier gros travail pour programmer Dino Crisis 3… Le studio ne survivra pas bien longtemps après cela, ajoutant quelques projets de maigre envergure à leur palmarès, notamment des RPG sur PSP tout à fait dispensable quand bien même leur direction artistique était de qualité (Dragoneer's Aria). Le glas sonnera pour Hit Maker lorsqu’ils développeront le kusoge Last Rebellion en 2010 sur PS3 pour le compte de Nippon Ichi Software. Intéressant concernant son chara-design, mais affreusement mauvais sur tout le reste.
Il faut dire qu’avec la multiplication de projets cousins à Resident Evil qui se servaient des racines de l’œuvre de Shinji Mikami pour grandir à l’ombre des zombies, il ne restait plus beaucoup de place pour Dino Crisis. Entre Onimusha, Devil May Cry et les cohortes de morts-vivants, ce même concept plus ou moins bien travestis avec des thèmes originaux (Japon féodal, ambiance démon-médiéval, ambiance futuriste-dinosaure…) a été largement essoré par Capcom entre 1995 et 2003 avant de montrer ses limites. Dino Crisis 3 est donc le symbole d’une série en très nette perte de vitesse à l’instar du concept même du survival-horror "à la Resident Evil". À bout de souffle, littéralement, Dino Crisis est le premier des sacrifiés des licences horrifiques de Capcom. Il sera suivi peu de temps après par Onimusha puis dans une moindre mesure par Devil May Cry tandis que Resident Evil continuera de passionner des millions de joueurs.
Capcom, échaudé, se rendra compte que mettre tous les moyens en œuvre (recruter des scénaristes spécialisés et un directeur expérimenté dans le jeu d'horreur, opter pour une console extrêmement puissante, faire appel à des professionnels du cinéma...) pour créer un grand jeu d'action n'aura pas suffit pour faire de Dino Crisis 3 un produit viable. Pas étonnant que la saga fut vite mis au placard après un coup dur comme cela !
Les dinosaures revenus à la vie sont redevenus poussière, la boucle est bouclée.
Avec 2,6 millions de ventes sur Playstation, et un peu moins de trois millions si on compte les versions Dreamcast et PC, Dino Crisis est un joli succès commercial. Même si la première partie du développement ne s’est pas passé comme prévu, on est loin du fiasco coûteux en argent et en énergie de Resident Evil 1.5, si bien que Capcom rentre largement dans ses frais. D’autant que le jeu de dinosaure n’a pas eu besoin d’une campagne marketing dispendieuse pour se faire connaître. Cela conforte Shinji Mikami dans son rôle d’homme fort de Capcom à l’époque, et ceci malgré les nombreuses oppositions qui le mettra en scène lui et ses supérieurs durant le développement de tous les Resident Evil de la Playstation. Ce succès lui fera conserver son aura et lui donnera du crédit même lorsqu’il guidera Capcom vers des décisions qui ont fait énormément polémique, comme ce fameux partenariat d’exclusivité avec Nintendo ou le développement plus que chaotique qu’a subi Resident Evil 4.
Cependant, les déboires qu’il fera subir à ses équipes et les tracas dont il sera la source entre Capcom et Sony et à peu près tous les autres constructeurs par la suite finiront par entacher sa réputation jusqu’alors inattaquable. Peu importe puisque de toute façon, Dino Crisis continuera de vivre sans la présence du maître, est-ce réellement une bonne chose ?
Malgré les difficultés rencontrées par Dino Crisis sous la houlette de Shu Takumi, lorsqu’il est décidé d’en faire une suite, Shinji Mikami désigne de nouveau le jeune designer pour s’en occuper. Ce qui ne manquera pas de surprendre l’intéressé. Il déclarera "Je ne sais pas si le producteur (ND Anakaris : Shinji Mikami, donc) est très gentil ou alors s’il a une mauvaise mémoire". Je vous rassure Takumi-san, Mikami savait bien ce qu’il faisait et comme il l’a fait avec Hideki Kamiya en son temps, il vous a donné une seconde chance. Kamiya, dans tout cela s’en été aller vers d’autres horizons et commencera à travailler sur ce qui deviendra Devil May Cry, mais cela est une autre histoire. Ce dernier aura une déclaration surprenante à propos de Dino Crisis d’ailleurs, signe de son invariable goût pour la différence et son souhait véritable de prendre tout le monde à contre-courant, toujours : "J’étais jaloux qu’on ne me fasse pas travailler sur Dino Crisis. J’ai toujours aimé les monstres comme Godzilla ou Ultraman, depuis que je suis enfant. J’aimais aussi beaucoup les dinosaures.". On le savait, qu’il n’était pas forcément très emballé par le fait de travailler sur Resident Evil 2 (déjà par le fait qu’il n’aimait pas le gore ou ressentir le sentiment de peur, il préférait aller au cinéma pour voir un bon gros film d’action plutôt qu’un film d’épouvante), mais de là à cracher dans la soupe qui l’a propulsée au rang de star de la sorte…
Voyant Kamiya prendre les commandes du prochain Resident Evil qu’il veut cette fois-ci à tout prix façonner exactement comme il le veut (donc sans faire aucune concession sur l’action en dépit de l’aspect survie et horreur), Shu Takumi se dit qu’il peut en faire de même avec Dino Crisis et adapter la recette à ses désirs. Le Resident Evil sauce action de Kamiya s’éloignera tellement des bases de la saga qu’il en deviendra Devil May Cry, et les autres équipes sont concentrées sur Resident Evil 3 et Resident Evil : Code Veronica, Takumi sent qu’il a donc la voie libre pour s’exprimer plus ouvertement. Même les hautes instances de Capcom restent relativement floues sur ce qui est attendu de cette suite de Dino Crisis, Takumi allant même jusqu’à témoigner que pendant les mois de développement de Dino Crisis 2, le terme "horreur" n’a presque jamais été employé. De plus, Takumi est conscient que le modèle classique de Resident Evil arrive à saturation puisqu’en parallèle de tout cela se développe un énième projet annexe là aussi basé sur le socle de gameplay de la saga aux zombies : Onimusha. C’est une raison supplémentaire pour Takumi de s’éloigner autant qu’il le désire du Resident Evil-like classique. Il se souvient que Resident Evil 3, qui était de base un spin-off quasiment sans intérêt nommé en interne Resident Evil 1.9 devait mettre en scène un mercenaire du nom de Hunk avec un gameplay beaucoup plus orienté action et un rythme renforcé à grand coup de turbo. Une sorte de run’n gun dans l’univers Resident Evil, en quelque sorte. Le concept changera jusqu’à devenir ce que l’on connaît aujourd’hui du Resident Evil 3 final mais cette idée de run’n gun sera également conservée pour faire le mini-jeu Mercenaries du même RE3.
Takumi s’empare de cette idée pour construire son Dino Crisis 2 là-dessus. Le game designer met toutes les chances de son côté et décide de presque tout revoir. Il fait fi de la 3D intégrale de Dino Crisis et décide de revenir aux fondamentaux avec une 3D précalculée comme pour les Resident Evil. Les programmeurs de Capcom maîtrisent sur le bout des doigts ce procédé, ce qui facilitera grandement le développement du jeu. Cela à plusieurs avantages, les ressources hardware pour afficher les dinosaures en 3D sont donc concentrées sur moins d’élément à l’écran, ce qui donne des dino encore plus détaillés et plus finement modélisés que dans le premier Dino Crisis. De plus, l’extension scénaristique de la série et l’utilisation de la 2D permet de varier les décors, surtout en termes de couleur : le gris omniprésent de Dino Crisis se fait engloutir par une vague de vert pour les jungles, accompagnée de teintes bleutées et ocres.
La 2D prenant moins de place sur le disque que la full 3D, il est également possible à l’équipe de développement d’inclure un plus vaste bestiaire, chose qui fut visée par la critique et à juste titre pour Dino Crisis. S’ajoute alors au carnaval préhistorique ultra menaçant des Allosaurus, des Inostrancevia, ou des gigantesques Plésiosaures qui donneront une séquence absolument mémorable de DC2 ; sans oublier un monstre encore pire que le T-rex, car oui c’est possible, à savoir le Giganotosaurus, qui porte bien son nom… Takumi, qui n’y connaissait rien en dinosaure au début du développement de Dino Crisis a bien apprit sa leçon et savait que rafraîchir le bestiaire d’un jeu d’action tel que celui-ci serait une très bonne méthode pour susciter l’intérêt du joueur. Cependant, il ne suffit pas de vouloir se différencier d’un jeu du passé pour être légitime, il faut que les innovations, surtout si elles sont aussi drastiques que pour DC2 justifient d’une démarche claire et cela, les producteurs l’ont bien compris. Ainsi, ils ne désirent pas faire de Dino Crisis 2 un jeu d’action où il suffit simplement de tuer le plus de cible. Hiroyuki Kobayashi, autre homme fort parmi les équipes de Capcom de l’époque nous explique : "Ce n’est pas très intéressant de simplement tuer des dinosaures. Alors on s’est demandé comment rendre cela plus amusant, en le transformant en un des objectifs du jeu. C’est à partir de là que nous ai venu l’idée d’intégrer ce système à points.". Justifier l’orientation du jeu par son gameplay et son concept, à moins que ce ne soit l’inverse ? Peu importe, à partir de cette réflexion, l’équipe met tout en œuvre pour rendre leur jeu cohérent entre son objectif et les possibilités qu’on donne aux joueurs d’atteindre son but. Ben oué, parce que le game deisgn et le gameplay, c’est pas un truc à bidouiller au hasard, mon bon monsieur !
En parlant de se justifier, qu’est-ce qui justifie qu’on aille retâter de la canine de vélociraptor ? Vous vous doutez bien que la capture du savant fou Edward Kirk dans Dino Crisis n’aura pas suffi à stopper l’infernale machine qui était en route ? En effet, les expériences et recherches de Kirk se sont vu réapproprier par un organisme gouvernemental. La Tri-Énergie est une si belle aubaine en matière d’énergie et surtout une manne financière si énorme que la déontologie scientifique n’existe plus. Les tests sont repris, cette fois le gouvernement y met les moyens et fait construire des structures dans le Midwest américain pour y accueillir chercheurs et forces de sécurité (oué, dans la même région où se situe Raccoon City, décidément ils n’ont pas de chance ces gens-là…). Cependant, une nouvelle catastrophe survient, la technologie de la Tri-Énergie étant instable et incomprise de l’Homme. Une nouvelle faille spatio-temporelle, bien plus grande que celle qui a frappé l’île Ibis fait disparaître de nombreux complexes aux alentours, et même une petite ville des environs ! En lieux et place se trouve désormais une jungle dense et inhospitalière. Un groupe de secours est mis sur pied et un portail parvient à être ouvert, menant directement dans l’espace-temps où près de 1300 personnes ont disparues : le Crétacé ! Regina, étant donné son expérience traumatisante sur Ibis est de la partie, elle prodiguera son expertise à Dylan Morton et David Folk, membre des forces d’élites armées du Tactical Reconnoitering and Acquisition Team. Sur place, le groupe armé commence à installer un campement et à organiser l’exploration des environs pour retrouver les rescapés quand une horde de vélociraptor attaquent… suivi par un tyrannosaure face auquel Regina et Dylan sont obligés de fuir. Désormais perdus au beau milieu d’un enfer forestier, 65 millions d’années dans le passé, Regina et Dylan vont devoir se serrer les coudes pour trouver le moyen de revenir sain et sauf à leur époque…
Un véritable scénario de film de science-fiction de seconde zone, en somme. En quelque sorte, Dino Crisis 2 s’inspire également de Jurassic Park au-delà du fait qu’il y a des dinosaures, et plus exactement du second volet : Le Monde perdu. En effet, dans ce film comme dans Dino Crisis 2, on assiste de façon plus concrète à la perte de contrôle des Hommes face à la nature et surtout face à un prédateur bien plus sauvage et dangereux qu’eux. Le scénario se complexifiera et prendra des détours surprenants lorsque les joueurs découvriront qu’un plan nommé ‘’Arche de Noé’’ fut élaboré loin dans le futur afin de sauver d’une nouvelle extinction les dinosaures… Tandis que le scénario du troisième et dernier Dino Crisis en date, sur Xbox, fera complètement fi de toute l’intrigue et déploiera son histoire dans une toute nouvelle direction…
Dans Dino Crisis premier du nom, nous contrôlions uniquement la belle rouquine. Dans la suite, c’est une alternative entre elle et le blondinet Dylan qui nous est proposé, rappelant un peu le parcours parallèle entre Jill et Carlos dans Resident Evil 3. Quand l‘un se verra dans une impasse, l’autre viendra à son secours par un chemin dérobé, et vice-versa. Tous deux disposant d’armes et d’outils qui leur sont propres, l’appréhension des combats et de l’exploration n’en sera que plus différentes. Dylan par exemple dispose d’une machette ce qui lui permettra de déchiqueter les lierres et plantes grimpantes obstruant l’ouverture de certaines portes ; tandis que Regina, elle, possède une sorte de matraque électrique utile pour faire sauter les plombs d’un terminal de sécurité afin de déverrouiller – d’une autre façon – les portes. Dylan débute l’aventure avec un fusil à pompe (qui fait beaucoup plus de bruit que celui du premier, enfin ! ) et Regina s’équipe d’un fusil d’assaut secondé par un lance-grenade (ça change de son pistolet à bille du premier jeu). Et si chacun découvrira donc son parcours personnalisé, ils finiront invariablement par se rejoindre à des points communs de l’aventure.
Comme vous avez pu le comprendre en lisant ce qui est dit plus haut, Dino Crisis 2 opte pour de l’action pur jus, en témoigne l’arsenal conséquent déjà présent dans les mains de nos héros dès le lancement du jeu. La première confrontation jouable lorsqu’on incarne Dylan nous met face à pas moins de trois vélociraptors, chose impossible dans Dino Crisis premier du nom. Dès le commencement, le soft nous fait comprendre que plus rien ne sera pareil. Un rapide coup d’œil dans notre inventaire nous montre qu’on dispose de pas moins de … 100 cartouches de pompe ! On vise, on tire, le bestiaux est abattu sur le champ et la mention "200 points" apparaît au sommet de l’écran. Puis un combo sous forme de multiplicateur, comme dans les jeux de baston ou certains shoot them up lui prend sa place à mesure qu’on explose du dinosaure en rythme. On peut même obtenir des bonus en opérant un contre impressionnant (en explosant un vélociraptor à coup de lance-grenade au moment où il s’apprête à bondir sur nous par exemple). Le sentiment de peur qui nous pétrifiait dans Dino Crisis et cette sensation d’impuissance qui nous écrasait pendant la majorité du jeu devient ici tout autre. C’est une furie destructrice qui s’empare peu à peu du joueur, le soft offrant une fluidité et une facilité de mouvement accrue afin d’accomplir en toute impunité un véritable génocide saurien.
L’arsenal n’en finira pas de gonfler au fur et à mesure du jeu, les points accumulés en butant les dino servant de monnaie d’échange entre chaque section pour obtenir munitions, soins, upgrades d’armes (puissance de feu accrue, option de tir, chargeur plus volumineux…). On devient vite la cinquième extinction de masse à nous seul, la fameuse météorite dont on a appris l’existence à l’école en ayant étudié la préhistoire n’y est pour rien ! Pour répondre aux exigences d’un tel gameplay, le maniement de nos personnages gagne infiniment en souplesse. Un réel travail fut fourni pour ne plus avoir la sensation de guider un char d’assaut au beau milieu de la jungle. La volonté de Mikami de faire des personnages des lourdauds pour intensifier la sensation de malaise et d’impuissance du joueur face au danger n’est plus d’actualité. Dino Crisis 2 donne un gigantesque coup de griffe et déchiquette le joli tableau modèle établi par Resident Evil. Kobayashi dira que "la difficulté principale était de développer un jeu qui soit différent à la fois de Resident Evil et de Dino Crisis".
Pour autant, Dino Crisis 2 ne renie pas complètement son aîné, au contraire. Le chambardement quasi-total de la recette et le changement de méthodologie permettent à Dino Crisis 2 de réaliser certaines choses qui ont toujours été impossibles à Dino Crisis. Le fait de placer l’action dans des environnements extérieurs plus ouverts, notamment des environnements de jungle luxuriante, permette à une idée de Mikami de pouvoir enfin être intégrée. En effet, si vous vous souvenez bien, dans le premier article nous parlions du souhait de Mikami de mettre l’accent sur la traque. Il voulait que les vélociraptors puissent tourmenter le joueur, le prendre à revers et le piéger. C’est ce qui fut réalisé dans Dino Crisis mais en contraignant énormément les ambitions aux réalités des limites techniques de la Playstation. Dino Crisis 2 utilisant une 3D précalculée, beaucoup de ressources hardware purent être mis à contribution pour donner naissance véritablement à cette vieille idée. En résulte des dinosaures vifs, hargneux et qui vous pourchasse réellement d’un écran à l’autre. En sus, ils peuvent débarquer de plusieurs directions différentes, bondissant par-delà les grillages, les arbustes où les murets à droite, à gauche ou au-dessus de vous ! Traverser plusieurs fois un même écran ne vous donnera pas systématiquement droit à la même séquence d’apparition des ennemis ce qui donne un nouveau souffle à la mise en scène complètement sur vitaminée !
La dynamique des mouvements et l’explosivité des joutes armées respirent le sauvage. Si dans Dino Crisis, nous étions cloîtrés dans un sentiment de peur, dans Dino Crisis 2, nous explosons notre coquille pour déchaîner notre "moi" bestial intérieur. Le massacre de dinosaure devient une nécessité pour engranger les points et s’offrir du matos et des soins. Alors qu’avant, la fuite était une nécessité pour sauver sa peau, le propos est complètement bouleversé et la hiérarchie de la chaîne alimentaire est retravaillée par l’être Humain. Pour coller aux ambitions de gameplay des développeurs, les graphismes et la mise en scène doivent aller de pair. Ainsi, comme il est dit plus haut, on revient à la recette de la 2D traditionnelle pour des décors plus détaillés, plus chaleureux et surtout plus variés que dans le Dino Crisis d’origine. Aux bâtiments militaro-scientifiques s’ajoutent les jungles, les divers établissements industriels et le sempiternel laboratoire futuriste avec lumières blafardes et murs d’acier étincelants de coutume. Le jeu de couleur explose, le bleu se marie au vert, l’ocre et le gris s’entremêlent, rien n’est plus aussi monochrome que sur l’île d’Ibis. Mais plus important encore, c’est la mise en scène des cinématiques qui place le jeu trois crans au-dessus du premier en termes de cinématographie. Mikami aurait été fier, lui qui voulait sans cesse avec les Resident Evil rendre hommage à ses sources d’inspiration majeures : les films d’horreur.
Dans les scènes cinématiques en effet, les personnages sont souples, bondissent, brandissent leurs armes et court, ils ne sont plus ces espèces de pantins lourds de deux tonnes incapables de se défendre tellement ils ont la trouille devant un lézard géant. Roulade en avant, pas chassés de côté, la caméra pivote vers la gueule grande ouverte du tyrannosaure à nos trousses, et bam, on esquive des projectiles explosifs envoyés par deux mystérieux individus casqués avant de se réfugier dans un bâtiment. C’est fluide, dynamique, le sens de l’action a été revu de fond en comble. Dino Crisis imposait une lenteur exacerbée pour maintenir le suspense et la frayeur, Dino Crisis 2 libère les ardeurs du joueur à intervalle régulier et électrise son envie d’aller réduire en charpie du dino. S’ensuit des séquences désormais culte comme la course-poursuite à bord d’une jeep avec une tribu de Xpotes… pardon de tricératops en furie à nos fesses. Ou ce passage sous-marin, avec joli effet de distorsion de l’image pour simuler l’effet de l’eau devant nos yeux ; face à de terrifiants monstres aquatiques en prime. Comment oublier, en outre, ce fugace moment - qui s’insère dans l’aventure aussi naturellement qu’une microtransaction dans un jeu EA - lorsqu’on déambule dans la jungle, sur un tronc d’arbre mort en travers d’un précipice et qu’on voit passer en dessous de nous le T-rex à l’affût de sa prochaine proie. L’ambiance qui en résulte de ces astuces de mise en scène est superbement prenante, à condition de se faire au rythme boosté aux stéroïdes.
Dino Crisis 2 n’est pas moins bon ou meilleur que le premier, il propose simplement une vision bien différente de son aîné. Une démarche assumée qui a été si bien prise au sérieux que le soft est parvenu à proposer un gameplay cohérent avec son propos. Le jeu donne la possibilité au joueur de répondre aux exigences d’un nouveau genre d’action et pioche dans les acquis de ses aînés pour se construire sa propre identité. L’ensemble est étonnamment solide, plaisant à jouer. Il suffit de faire l’effort de se dire que Dino Crisis 2 raconte quelque chose d’autre, qu’il n’a pas les mêmes intentions et ne déploie pas les mêmes moyens que son prédécesseur mais qu’au final son but est le même : plonger le joueur dans un univers, une ambiance et le distraire.
Tout cela, ce n’est qu’une question d’affinité, de ressenti. Plus concrètement et plus objectivement, on pourra toujours lui reprocher une certaine imprécision dans le maniement pourtant bien plus fluide et simplifié du personnage. Se positionner et viser juste n’est pas toujours aisé dans la précipitation, surtout quand trois vélociraptors viennent de bondir juste devant vous. Sa durée de vie répond à l’exigence du rythme soutenu de l’action du jeu. Autrement dit, elle se fait aussi courte que le jeu est rapide. Cela dit, c’est un jeu parfait pour les speed runner car il y a des dizaines de façons différentes de grappiller des secondes et de vaincre les hordes de dinosaures plus efficacement par rapport à la partie précédente.
Quant à Shu Takumi qui aura su se servir de son expérience passée et s’émanciper, le résultat convainquant de Dino Crisis 2 lui servira. L’histoire vous a déjà été raconté par moi-même dans le test de Gyakuten Saiban (Ace Attorney) mais sachez qu’à la suite du développement de DC2, il pourra mettre à profit sa belle notoriété naissante et la confiance qu’il aura su s’attirer auprès des dirigeants de Capcom. Ainsi, il fera partie d’un programme au sein de Capcom au début des années 2000 qui consistait à donner quelques mois à plusieurs créateurs en herbe afin d’innover, d’expérimenter et de proposer des idées de jeu aussi personnelles qu’inédites. De là naîtra le projet Ace Attorney, genre de jeu auquel Capcom n’était pas habitué et qui deviendra une des sagas phares de l’éditeur à l’avenir. Son parcours est étonnant. Dire que durant le développement du premier Dino Crisis, l’homme ne se sentait pas à sa place et fut même rattrapé de justesse par son supérieur qui a dut refaçonner le produit tout entier pour éviter la noyade.